Hamdok : visite contestée au siège des Forces de Soutien Rapide
Mona Basha
18/09/2021
Hamdok : visite contestée au siège des Forces de Soutien Rapide
Mona Basha
18/09/2021
Le 15 septembre 2021, Khartoum - Le Premier ministre soudanais Abdullah Hamdok s’est rendu au Quartier général des Forces de Soutien Rapide (RSF). Cette visite faisait partie d’un programme de visites dans diverses institutions dont les forces armées, les services de sécurité et de renseignement et la police.
Hamdok a déclaré, en s'adressant aux Forces de Soutien Rapide que "la réforme du secteur militaire et sécuritaire est une question-clé pour surmonter tous les défis de la période de Transition et sans cela, les problèmes du pays, y compris la création d'un Etat à critière civil et l’établissement d'une armée nationale unifiée, ne peuvent être résolues."
Il a ajouté : "Ce sont les plus grandes armées du monde qui prennent parti dans les choix de leur propre peuple, et le peuple soudanais dans sa révolution a choisi la voie de la démocratie et de l’État civil, c’est donc votre devoir suprême de préserver la Constitution et de soutenir une transition civile démocratique."
Hamdok a noté que son initiative : "Crise nationale et questions de transition : la voie à suivre," comprenait déjà la réforme du secteur de la sécurité, de l’armée, en plus de la réforme du système judiciaire, la stabilisation de la situation économique, le renforcement de la souveraineté nationale, le démantèlement du régime d’Omar al-Bashir; la lutte contre la corruption, la politique étrangère et la formation du Conseil législatif. Il poursuit : "L’armée a un rôle central à jouer dans toutes les questions soulevées par l’Initiative. Une question comme la composition du Conseil législatif touche les civils comme les militaires, ainsi que des questions de stabilité économique, de paix, de justice, de politique étrangère et de souveraineté nationale. Dans cette optique, la séparation du personnel militaire et civil n’est rien d’autre que fonctionnelle et professionnelle, et ne doit pas apparaître comme une discrimination", défendant ses fréquents discours sur le partage de pouvoir entre les militaires et civils.
Hamdok a déclaré que son objectif était d’éviter l'échec de la Transition et de renforcer les facteurs de son succès, notant que les RSF "en assumant une part significative de la responsabilité envers la patrie et ses biens méritent d’être reconnus, notamment en contribuant à la prévention des conflits et à la protection des citoyens dans les zones frontalières." Petit rappel, les RSF ont été créés en 2013 par les services de sécurité et de renseignement, ils se comptent par dizaines de milliers. En janvier 2017, le Parlement a adopté une loi sur ces forces controversées, en les intégrant dans l’armée."
Les forces de soutien rapide sont d’une nature particulière et ont joué un rôle positif dans le changement (renversement du régime d'Al Bashir). Leur intégration dans les Forces Armées exige un consensus entre leurs dirigeants, les RSF et le gouvernement, afin de parvenir à une feuille de route convenue, qui aborde la question dans toutes ses dimensions. »A noter, L’Armée soudanaise existe depuis 1905, lorsque les Forces de défense du Soudan ont été formées, puis sont devenues, les Forces Armées du Peuple et enfin les Forces Armées. L’intégration des groupes rebelles dans l'Armée nationale a été accepté à plusieurs reprises : , après l’Accord de 1972 signé le 26 février entre le gouvernement de Nimeiri et des représentants du South Sudan Liberation Movement (SSLM) dirigé par le général Joseph Lagu, après l'Accord de paix signé entre le gouvernement d'Al bashir et le Mouvement populaire (SPLM) dirigé par John Garang en 2005, ainsi que l’Accord de paix d’Abuja sur Darfour en 2006.Aujourd'hui, il y a plusieurs forces armées au Soudan. En plus de Forces Armées formelles, il y a les de RSF alias janjaweed, et plus de quatre-vingts mouvements armés, dont quelques un signataires de la paix à Juba en 2020, et qui se fragmentent tous les jours. La formation d'une armée unifiée est une question qui occupe tous ceux qui voient en cela l'issue des problèmes du pays, la communauté internationale ainsi que les soudanais et les soudanaises. Le chef de la Minuats - la Mission intégrée des Nations unies pour l'assistance à la transition au Soudan - Volker Perthes, a également demandé une feuille de route pour la construction d’une seule armée sous l’égide de la Constitution, selon l’agence de presse soudanaise, Suna.
La question aujourd'hui est : comment former cette armée nationale? Tout d'abord, il faut souligner que la structure des forces régulières est l’une des fonctions du gouvernement de Transition qui a débuté le 21 août 2019 et dure 53 mois, se terminant par les élections de 2024.l’intégration de ces forces, les RSF, dites milices janjaweed ainsi que les mouvements armés signataires de la paix dans l’armée exigent des conditions. Par exemple, l’âge et l'aptitude physique, un casier judiciaire vierge, une qualification et une formation et un engagement dans l’armée par consentement mutuel, ce qui ne semble pas être rempli pour le moment par tous les éléments de ces groupes armés. D'ailleurs, ces conditions se heurtent au Protocole de dispositif sécuritaire signé le 29 août 2020 entre le gouvernement de Transition et le Front révolutionnaire qui comprenait la formation de forces conjointes entre les forces gouvernementales et les mouvements armés, pour maintenir la sécurité et protéger les civils. Ces conditions se heurtent aussi à l’Accord de Juba, signé le 3 octobre 2020, qui souligne l’importance d’une armée nationale unifiée, de l’intégration de toutes les ces groupes armés et de l’application des dispositions de sécurité, en absorbant les mouvements armés et en fournissant des fonds pour que cela se produise.
Washington a annoncé qu'elle est pour la création d’une armée soudanaise unifiée et professionnelle qui rassemble l’armée, les Forces de l'Intervention Rapide et les mouvements armés sous un seul commandement dans le pays.(selon l’Agence de presse soudanaise, Suna), Samantha Power, administratrice de l'Agence des États-Unis pour le développement international, a déclaré lors d'une conférence à Khartoum, que les États-Unis "considèrent que l’un des moyens de stabilité au Soudan est une armée nationale dans laquelle les forces armées soudanaises, les RSF et les mouvements armés sont intégrés en une seule armée sous un commandement unifié."
La visite du Premier ministre, Hamdok aux Forces de Soutien Rapide, s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par ce dernier afin de réduire la tension entre ces multiples forces armées. Le 22 juin, le Premier ministre soudanais Abdullah Hamdok a dévoilé les détails de son Initiative visant à trouver un moyen de sortir de la crise nationale et des questions de transition démocratique au Soudan, y compris le secteur de la sécurité et la réforme militaire.
De son côté, le Premier Vice-Président du Conseil souverain de Transition, Commandant des Forces de Soutien Rapide, Mohamed Hamdan Daglo, dit Hemidti, s’est dit satisfait de la visite du Premier Ministre Abdullah Hamdok notant qu’il reflétait clairement le partenariat entre les parties militaires et civiles Document constitutionnel.
Hemidti a noté que les Forces de Soutien Rapide avaient pris la tête dans la victoire de la Révolution Glorieuse. "À cette fin, j’ai fait de grands sacrifices, et j’ai attiré l’attention de certains qui se dressent contre nous."Selon le journal Alsudani, la visite du Premier ministre au siège de RSF, pour certains, souligne la bonne relation entre les deux hommes. Après la chute de Omer Al bashir et la formation du gouvernement de Transition, malgré la tension observée entre les civils et les militaires, le vice-président du Conseil souverain de Transition - le lieutenant-général Mohamed Hamdan Dagalo, alias Hemidti - et le Premier ministre Abdullah Hamdok semble entretenir des liens très étroites. Cette relation a commencé quand Hamdok a été nommé Premier ministre et lorsqu’il était à Addis-Abeba. Selon des sources soudanaises, l’ambassade du Soudan à Addis-Abeba n’avait fait preuve d’aucun soutien à l’égard de Hamdok et Hemidti avait envoyé un avion privé et des garde de corps depuis Khartoum afin d'organiser son retour à Khartoum, cite le journal Alsudani.
Ensuite, et à plusieurs reprises, selon les observateurs, Hamdok a surpris la scène politique, par exemple, en choisissant Hemidti comme président de la Haute Commission d’urgence économique et lui-même devenant son adjoint. Autre étonnement : il lui laisse aussi la place de chef de la délégation gouvernementale pour les négociations avec les mouvements armés à Juba.
Des activistes soudanais et des soudanaises ont exprimé leur colère contre cette visite. On lisait sur les réseaux sociaux qu'au lieu ce discours et cette visite au siège de RSF susceptibles d'offrir à Hemidti plus de légitimité, il fallait plutôt le juger pour les crimes contre l'humanité qu'il a commis durant des années, les derniers étant le dispersement de sit-in suivi de massacre devant le Quartier Général de l'armée soudanaise et dans d'autres villes le 3 juin 2019 . Des appels à manifester contre cette visite vécu comme une trahison à la révolution et aux âmes de ceux qui sont tombés pour la patrie ont été lancés par des Comités de résistance.